L’expulsion des Arabes Palestiniens pour créer un Etat Juif

 

Le Plan de Partage

01 Partition Map

Le 29 novembre 1947, l’Assemblée générale de l’Organisation des Nations unies proposa un Plan de Partage de la Palestine en un État juif, un État arabe et une zone internationale pour Jérusalem et les Lieux saints (résolution 181). La population palestinienne ne fut pas consultée. La Ligue Arabe, les nationalistes palestiniens et les milices sionistes s’opposèrent à ce plan. Les Britanniques, dont le mandat se terminait le 14 mai 1948, laissèrent s’amplifier les affrontements. Les habitants Arabes commencèrent à fuir les exactions.

Jérusalem, ville mixte (150 000 habitants dont 100 000 Juifs) isolée des autres agglomérations juives et entourée de villages arabes (50 000 habitants) constitua un enjeu majeur de la Guerre de 1948. Dès la fin de l’année 1947, les milices sionistes (Haganah, Irgoun, Lehi) lancèrent des raids contre les localités palestiniennes à l’ouest de Jérusalem. Le 28 décembre 1947, les 3000 habitants de Lifta se réfugièrent à Jérusalem.

LIFTA

Pendant des décennies, Lifta fut laissé à l’abandon – ses propriétaires d’origine vivant en tant que réfugiés à seulement quelques centaines de mètres. Depuis quelques années, des Israéliens juifs viennent en visite sur le site pour se baigner à la source de Nephtoah, considérée par les sionistes comme étant la limite nord du territoire de la tribu de Juda. En 2011, l’Administration foncière israélienne a publié un appel d’offres pour la construction privée dans Lifta. L’objectif étant de transformer le village en un lieu de vacances comprenant 212 maisons, un hôtel de luxe, un centre commercial haut de gamme, une synagogue et un musée archéologique visant à « renforcer les racines juives du village ». Les maisons de ses anciens habitants deviendraient restaurants et galeries d’art. Une vaste coalition d’organisations palestiniennes et israéliennes, y compris les descendants de Lifta, a présenté une requête à la Cour du district de Jérusalem pour stopper ces plans. En 2012, le tribunal a temporairement bloqué les plans. Malgré cela, le gouvernement israélien continue les travaux d’aménagement.

L’exode

L’exode des Palestiniens arabes se poursuivit dans les premiers mois de 1948. Le 07 mars, l’Armée populaire arabe composée de volontaires Palestiniens, Syriens, Libanais, Irakiens, Jordaniens et Égyptiens entra en Palestine par la Jordanie mais le rapport de force resta à l’avantage des milices sionistes mieux équipées et préparées.

 « Quand j’arrive maintenant à Jérusalem, je sens que je suis dans une ville juive. C’est un sentiment que je n’avais qu’à Tel-Aviv ou dans un kibboutz. Il est vrai que tout Jérusalem n’est pas juive, mais elle comporte déjà un énorme bloc juif: lorsque vous entrez [à Jérusalem] par Lifta et Romema, Mahane Yehuda, la rue King George et Mea Shearim – il n’y a aucun Arabe. Cent pour cent juif. Depuis la destruction de Jérusalem par les Romains – la ville n’a jamais été aussi juive qu’elle l’est aujourd’hui. Dans de nombreux quartiers Arabes de l’Ouest, vous ne voyez pas un Arabe. Je ne pense pas que cela va changer. Et ce qui est arrivé à Jérusalem et à Haïfa peut se produire dans de grandes parties du pays. Si nous persistons, il est probable que dans les six ou huit prochains mois, il y aura des changements considérables dans le pays, très considérables, et à notre avantage. Il y aura certainement des changements considérables dans la composition démographique du pays ». David Ben Gourion, Journal de guerre: Vol 1, 7 Février 1948

06 Deir Yassin

A partir d’avril, les milices sionistes mirent en œuvre le Plan Dalet visant à conquérir le maximum de territoires avant la fin du Mandat britannique. Même si le but affiché était militaire, le Plan Dalet impliquait l’expulsion des populations arabes.Le 9 Avril 1948 les forces juives occupèrent le village de Deir Yassin. Malgré le pacte de non-agression que les villageois avaient conclu avec la Hagannah, des miliciens de l’Irgoun et Lehi massacrèrent une centaine de villageois. La nouvelle des massacres suscita la terreur dans les autres villages palestiniens, les obligeant à fuir leurs villages et villes.

WADI SALEEB

La brigade Carmeli pris le contrôle de Haïfa le 20 avril 1948. En quelques jours et avec l’aide des Britanniques qui affrétèrent des bateaux, 40 000 habitants palestiniens de la ville furent « évacués ». A la fin de la guerre de 1948, plus de 60 000 Palestiniens avaient été expulsés d’Haïfa. Le quartier Arabe de Wadi Saleeb fut réoccupé dans les années 1950 par des juifs marocains Sépharades en vertu de la « Loi sur la propriété des Absents ». Ils furent relogés dans d’autres quartiers de Haïfa en 1960 suite aux « émeutes pour le pain et le travail » menées en Israël par les Sépharades marginalisés. En 1990, une partie du quartier fût détruite pour construire les bâtiments du gouvernement, un Palais de justice ainsi que l’Administration foncière israélienne. Des projets de création d’espaces administratifs et commerciaux prévoient l’expulsion des dernières familles Palestiniennes de Wadi Saleeb, faisant disparaître définitivement l’histoire Arabe du quartier.

JAFFA

L’opération militaire Hametz, levain en hébreu -le levain est le symbole de la pâque juive – fut lancée dans la région de Jaffa le 22 avril 1948. Le 13 mai, l’acte de reddition de la ville fut signé entre le Comité national palestinien et les chefs de la Haganah. Les 4000 habitants rescapés (sur 70 000) furent regroupés dans les quartiers historiques déclarés « zones militaires fermées » et leurs maisons déclarées « biens des Absents », occupées par des immigrants juifs. En 1950, Jaffa fut intégrée à la municipalité de Tel Aviv sous le nom de Tel-Aviv/Yafo. Entre 1960 et 2000, plus de la moitié de l’habitat a été démoli sous la pression de la promotion immobilière. Le centre historique de Jaffa est aujourd’hui réhabilité en résidences de luxe et la communauté palestinienne restante est menacée par une triple discrimination économique, sociale et ethnique. La ville compte 35 000 habitants, dont 20 000 palestiniens (3,7% de la population de la municipalité Tel Aviv-Jaffa). 60% d’entre eux doivent louer aux organismes de tutelles des « biens des absents », Amidar et Halmich.

ISRAËL

03 Palestine 1948

La naissance officielle de l’État d’Israël –Medinat Israel en hébreu- eu lieu le 14 mai 1948, jour de la fin du Mandat britannique. Les conquêtes territoriales et l’épuration ethnique lui permirent de faire face sur un front continu aux États arabes voisins qui intervinrent militairement dès le lendemain. En théorie alliés mais ambitionnant des objectifs différents, ceux-ci combattirent de manière désorganisée et ne purent résister face à l’armée israélienne -Tsahal, puissamment armée par les occidentaux et mieux organisée.

SATAF & SUBA

Les 1100 habitants de Sataf et Suba, deux villages palestiniens situés à 15 km à l’Ouest de Jérusalem furent expulsés lors de la conquête militaire de Jérusalem -l’Opération Danny– menée par l’armée israélienne en juillet 1948. Les ruines et les terrasses plantées d’oliviers de la réserve naturelle de Sataf sont aujourd’hui parcourues par des « touristes » israéliens armés. Tzova est un kibboutz installé en contrebas de Suba.

KFAR BIR’IM

Les 1000 agriculteurs de Kafr Bir’im, situé en Haute-Galilée près de la frontière avec le Liban, furent expulsés le 13 novembre 1948. Le village fut détruit par l’aviation israélienne en 1953. Depuis 1967, les anciens habitants chrétiens maronites du village et leurs 2000 descendants ont le droit de venir y célébrer le culte et s’y faire enterrer. Ils entretiennent le souvenir du village et continuent de demander à pouvoir s’y installer, ce que les dirigeants israéliens refusent, craignant d’établir un précédent que pourraient utiliser d’autres Palestiniens réclamant le droit au retour sur leurs terres perdues. Les ruines du village font aujourd’hui partie d’un parc national. Des panneaux écrits en anglais et en hébreu évoquent l’ancienne communauté juive de Kfar Bir’im, mais ne mentionnent pas le fait qu’un village arabe se trouvait là. Dans la brochure remise aux touristes, seules deux lignes évoquent l’expulsion des villageois, qualifiée d’évacuation.

La Catastrophe

07 An-Nakbah

Un armistice fut signé le 03 avril 1949 sous l’égide de l’ONU. La ligne de cessez-le-feu, la Ligne Verte, partagea l’ancienne Palestine mandataire en trois : Israël sur 80%, la Cisjordanie (contrôlée par la Jordanie) et la Bande de Gaza (contrôlée par l’Égypte) sur 20%. [La Ligne Verte n’est pas une frontière de jure: elle est refusée par Israël qui considère que les Juifs ont des « droits historiques » sur la Cisjordanie mais constitue la ligne de partage généralement admise entre l’État d’Israël et un État Palestinien]. Les 16 mois de guerre causèrent 20 000 morts (dont de nombreux civils) dans les deux camps et 750 000 des 900 000 Palestiniens qui vivaient dans les zones conquises furent expulsés : An-Nakbah – la catastrophe. Dans les années 50, quelques dizaines de villages et les quartiers arabes des villes mixtes furent réoccupés par des immigrants juifs ou transformés en « colonies artistiques ». Plus de 500 localités furent rasées. 

Les Palestiniens qui restaient en Israël furent regroupés dans certains quartiers et villages, placés sous régime militaire (jusqu’en 1966) et la majorité de leurs biens confisqués sous couvert « d’intérêt général », de « sécurité » ou de gestion des « biens des Présents-Absents » (sont considérés comme « Présents-Absents » les Palestiniens déplacés dans le territoire israélien). Ils devinrent dépendants de l’économie juive à qui ils fournirent une main d’œuvre bon marché. Toute organisation palestinienne étant interdite, le seul espace d’expression publique fut le Parti communiste israélien, parti mixte composé de Palestiniens et de Juifs.

La situation des « Arabes d’Israël » ne s’est pas améliorée avec les Accords d’Oslo qui en réduisant la question palestinienne à la Cisjordanie et la bande de Gaza, ont totalement écarté celle des Palestiniens d’Israël. Au contraire, toute protestation a toujours été violemment réprimée, la discrimination et la politique de cloisonnement des villes et des villages se sont poursuivies, ponctuées par quelques promesses durant les périodes électorales.

La communauté palestinienne qui représente 20% de la population de citoyenneté israélienne ne possède que 3% du territoire national. 150 000 personnes sont considérés comme des « réfugiés de l’intérieur » et vivent dans une centaine de « villages non reconnus » menacés de destruction (Loi de Planification et de Construction de 1965).